Dès le printemps 2020, j’ai participé aux travaux permettant de mettre en lumière les impacts de la crise covid19 sur les femmes. Toutes les inégalités, économiques, sociales, liées à la santé ou à la sécurité, existantes ont été accentuées ! Cela doit nous motiver plus que jamais à agir en profondeur, et à proposer une autre réalité pour toutes les femmes.
Voici mon discours au Sénat à ce sujet (14 janvier 2022).
Bientôt deux ans, deux ans que notre monde a basculé. Peut-être comme un mur qui tombe ou deux tours qui s’écroulent, une guerre qui cesse ou un dictateur qui est renversé, je ne sais pas ce que l’Histoire retiendra de cette période. Mais du moins à l’échelle de nos vies, le début de l’année 2020 marquera certainement un tournant inédit. Si l’illusion nous a bercé·e·s un temps, nous pouvons affirmer avec certitude aujourd’hui que le « monde d’avant » ne reviendra pas.
Les virus ont-ils un sexe ? Une couleur de peau ? Une Classe sociale ? Si le Coronavirus n’a certainement pas ces caractéristiques, il n’en n’est pas moins qu’il a accentué de véritables inégalités , notamment basées sur ces critères.
Durant les auditions au sein de ce comité, nous avons beaucoup appris sur les impacts de l’épidémie de Covid-19. Plus particulièrement les conséquences qu’elle aura eu sur les femmes. Si on prend la définition du mot impact, on trouve « un effet produit par quelque chose » ; et celle de conséquences : « ce qui est produit par quelque chose ». Comme si, toutes les constatations que nous avons ensemble rassemblées dans ce rapport, n’étaient que le produit de la crise sanitaire. De ce virus.
Pourtant, à de nombreuses reprises cela a été évoqué et, c’est que dans le fond, nous avons mis le doigt sur bien plus qu’un impact ou des conséquences. Toutes les externalités négatives subies par les femmes durant cette crise sanitaire trouvent leurs racines dans des inégalités structurelles, intrinsèques , ancrées depuis des siècles dans notre société patriarcale.
- Nous mettons en exergue que les femmes sont les plus durement touchées par le virus ? Cela s’explique par leur présence sur représentée dans les métiers de première ligne.
- Nous parlons de l’accroissement des violences faites aux femmes ? Ces violences, nous ne les découvrons pas. Elles existaient bien avant l’arrivée du coronavirus.
- Nous soulignons la perte de revenu plus importante pour les femmes ? Il en relève de l’insécurité de l’emploi beaucoup plus marquée de base chez les femmes que chez les hommes. Avant la crise, le taux d’emploi des femmes était déjà plus faible que celui des hommes (66,5 % contre 74,5 %).
- Nous décrivons l’augmentation de la charge des tâches domestiques ? Les femmes portaient déjà sur leurs épaules 60 à 70 % de celles-ci avant la pandémie.
- Nous pointons l’invisibilisation des femmes durant le traitement de la crise ? Mais dans quelle crise ont-elles déjà été mises en lumière ?
La pandémie aura donc eu pour effet d’accentuer des inégalités déjà existantes.
Je voudrais insister sur ce point. Sur le fait qu’il ne s’agit pas ici de poser un pansement sur une fracture, de traiter les symptômes et non la cause, mais bien de s’adresser à ces inégalités de base. Pas uniquement à leur exacerbation. S’il est indéniable que le Covid-19 a empiré la situation des femmes, que ce soit sur le plan sanitaire, économique, social ou autre, c’est la trame de fond qui doit être bousculée.
Le fait que la pandémie expose davantage les inégalités rencontrées par les femmes doit nous motiver plus que jamais à agir fondamentalement.
Les plans de relance fleurissent et, si nous écrivons comme recommandation de Profiter des investissements de la relance pour éliminer les inégalités structurelles – c’est le point 42 de notre texte .
Les ambitions sont là. Des actions sont prises dans les gouvernements. Mais l’urgence en est parfois encore insuffisamment partagée.
Beaucoup ont parlé de tremplin, de levier de changement. « Profitons de cette crise pour construire un nouveau monde ». « Le monde d’après ». Par qui va-t-il être construit ? Et pour qui ?
Connaissez-vous l’art du Kintsugi ? Il s’agit d’une technique japonaise de réparation des porcelaines ou céramiques, avec de la laque saupoudrée d’or. C’est très beau. Le passé de l’objet, son histoire et donc les accidents éventuels qu’il a pu connaître sont ainsi sublimés. La casse ne signifie plus une fin en soi, mais un renouveau, le début d’une autre vie.
Si au début de ma prise de parole j’ai souligné le fait que le « monde d’avant » n’existera plus, qu’il en quelque sorte est brisé, je voudrais terminer avec une note d’espoir. Si je suis ici c’est que je crois en la force dont l’Humain est capable pour se redresser, innover et créer. Munissons-nous de poudre d’or et mettons en lumière les failles passées. Acceptons de les voir au grand jour et de faire en sorte qu’elles puissent être corrigées. Comblons les afin de proposer une autre réalité pour les femmes. Et mettons un terme aux inégalités.
Le dossier complet peut être consulté sur le site du Sénat : www.senate.be