Le 26 mars, j’ai pris la parole sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes au Sénat. Voici mon intervention :
L’écart salarial entre les femmes et les hommes se réduit lentement, nous dit l’Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans son rapport dédié paru le 4 mars dernier.
L’écart salarial entre les femmes et les hommes s’élève à 9,2%.
Sans correction pour la durée du travail il grimpe à 23.1%. Ce deuxième chiffre prend davantage en compte l’effet du temps partiel des femmes.
Il s’agit d’une légère diminution par rapport à l’année précédente où ces chiffres s’élevaient respectivement à 9,4% et 23,4%. A réduction équivalente, nous dit le rapport Culture of Equal 2020, l’égalité salariale pourrait être atteinte … en 2066 !
Pour que l’écart salarial disparaisse, nous dit encore l’institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes, la politique doit passer à la vitesse supérieure.
Sanctionnons les comportements discriminatoires, organisons des testings, levons le tabou sur ces questions d’argent, car les discriminations sont le plus souvent cachées.
Une directive Européenne sur la transparence des salaires est actuellement en discussion pour rendre obligatoire la transparence salariale, et donc rendre enfin possible la comparaison des salaires.
Une meilleure application de la loi de 2012 sur l’égalité salariale est nécessaire pour accompagner davantage les entreprises vers l’égalité salariale et garantir aux femmes et aux hommes, à travail égal, un salaire égal.
Récemment interrogée à ce sujet, la secrétaire d’État à l’Égalité des Genres, Sarah Schlitz a ainsi déclaré « Je compte également renforcer la Loi de 2012 sur l’écart salarial pour la rendre plus efficace . L’égalité salariale est un élément essentiel de l’autonomie financière des femmes et donc de leur liberté de choisir de mener la vie qu’elles veulent. Pour y parvenir, je m’attaquerai à la répartition inégale des tâches au sein des ménages, qui repose encore trop souvent sur les épaules des femmes et les empêche de mener leur carrière là où elles le souhaiteraient. Une première étape a été franchie dans ce domaine en doublant la durée du congé de co-parentalité. ».
En effet, la question des inégalités salariales entre les femmes et les hommes est plus vaste que la revendication de travailler à salaire égal.
Une politique est égalitaire si l’objectif est réduire toutes les injustices, qu’elles soient volontaires ou non, qu’elles soient directes ou indirectes, qu’elles s’exercent dans le monde du travail ou en dehors de celui-ci !
Parlons du fléau du temps partiel dans des secteurs peu valorisés
Le temps partiel explique largement l’écart salarial sur base annuelle.
En Belgique, 44% des femmes travaillent à temps partiel contre 11% des hommes, et dans des secteurs où l’emploi est peu rémunéré ( distribution, alimentation, nettoyage, soins de santé, services aux personnes…). Dans ces secteurs, on retrouve des groupes plus vulnérables de femmes : des femmes peu scolarisées, issues de l’immigration ou plus âgées.
Et à peine 10% des temps partiels seraient librement choisis.
Il est temps de revaloriser les métiers exercés aujourd’hui majoritairement par les femmes.
Parlons du plancher collant : un plancher dont il est difficile de se défaire
Le féminisme a connu le plus d’avancées en haut de l’échelle : La parité sur les listes électorales, les quotas dans les conseils d’administration des grandes entreprises, l’accès à des métiers prestigieux,…
Mais tandis que certaines arrivent à se hisser à des fonctions autrefois inimaginables, et à percer le plafond de verre ( en s’appuyant souvent sur le travail d’autres femmes, souvent mal payées, pour entretenir leur maison, garder leurs enfants, confectionner leurs repas, …) bien d’autres continuent à se dépatouiller tout en bas dans des conditions qui ont plutôt tendance à se dégrader.
Notre société a tendance à cantonner les femmes dans des filières sous-valorisées. Je l’ai dit, parce que les études le démontrent, ce sont les femmes travaillant pour des très bas salaires, souvent dans l’emploi à temps partiel et avec un statut d’ouvrière qui sont les plus impactées par l’écart salarial. Le « plancher collant », c’est celui où restent scotchées tant de femmes, dans des métiers peu valorisés, mal rémunérés, aux horaires atypiques et aux conditions de travail pénibles. Sans compter toutes celles qui doivent vivre d’allocations insuffisantes, parfois avec des enfants à leur seule charge.
Agissons pour que la manière dont la situation de ces groupes professionnels peut être améliorée collectivement.
Parlons de l’ombre de la maternité, qui plane sur toutes les femmes
Sur chaque femme, y compris sur celles qui ne font pas le choix de la maternité, plane l’ombre de la maternité.
Ce n’est pas tant à l’embauche que la discrimination intervient, mais plutôt dans « le déroulement de carrière ». Que soyez ou non mère de famille, vous allez être soupçonnée de ne pas être disponible ou de ne pouvoir prendre plus responsabilités (…) Il y a ce qu’on appelle un soupçon de maternité .
Injuste, non ?
Parlons du coût de l’enfant pour la carrière des femmes
« 80 % de la différence de revenus entre les hommes et les femmes est liée à l’arrivée d’un premier enfant », met en avant une étude récente du département d’économie appliquée de l’ULB. Avant le premier enfant, les salaires sont assez similaires au sein du couple. Puis, les revenus des femmes chutent de manière vertigineuse. Huit ans après la naissance du premier enfant, la mère accuse encore une diminution des revenus de l’ordre de 43 %. Supportant davantage la charge de l’éducation des enfants, les femmes recourent davantage à des temps partiels, interruptions de carrière, ou ont plus de difficulté à obtenir des promotions. Pour les pères, aucune différence de ce type n’a été observée.
Toutes les mesures visant à une meilleure répartition de la charge de l’enfant au sein des couples doivent être activées.
Parlons de l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle
Il y clairement un lien entre temps partiel, répartition inégalitaire du travail domestique et rôles genrés. Aux tâches familiales, au soin et à l’éducation des enfants, les femmes consacrent onze heures hebdomadaires de plus que les hommes. Au final, elles ont une charge plus importante que celles des hommes qui consacrent sept heures de plus à un travail qui lui, est rémunéré. C’est là encore un autre cercle vicieux qui emprisonne les femmes, qui, travaillant donc souvent à temps partiel, disposent « de plus de temps » et par conséquent s’acquittent plus de ces mêmes tâches domestiques.
Parlons de l’impact de la Covid sur les (salaires des) femmes.
La crise sanitaire impacte énormément les salaires des femmes : à cause de leur sur-représentation dans les secteurs dont la fermeture a été rendue obligatoire (Horeca, commerces non alimentaire, titres-services) ou en cas de télétravail : une large part de surcroît de tâches liées au ménage et aux enfants. Un chiffre qui démontre ce déséquilibre ? Le congé parental CORONA a été demandé à 75 % par des femmes !
Parlons aussi des pensions
Une femme touche en moyenne une pension 26 % inférieure à celle d’un homme. Et elles ont 5 fois plus de risque de tomber dans la pauvreté.
Les réformes liées aux pensions doivent donc systématiquement être analysées en y intégrant la dimension de genre !
Parlons des inégalités de richesse
Enfin, je terminerai par cela , une ouverture à un autre aspect des inégalités économiques : combler les inégalités de richesse entre les femmes et les hommes est tout aussi important que de combler les inégalités salariales.
Si la plupart d’entre nous avons déjà entendu parler des inégalités salariales (ce que les personnes gagnent), nous sommes moins à connaître l’existence des inégalités de patrimoine (ce que les personnes possèdent – terre, propriété, capital).
Jusqu’à récemment, le marché du travail était considéré comme le principal champ de bataille pour atteindre l’égalité économique. Mais aujourd’hui, un revenu décent ne suffit plus pour garantir une sécurité économique.
La pandémie a exposé les inégalités économiques entre les personnes salarié.e.s, celles qui vivent au jour le jour, et qui ont souvent perdu leurs revenus, et celles qui ont pu se rabattre sur leur richesse, leurs actions financières ou leurs propriétés.
Les inégalités de richesse se calquent souvent sur des discriminations de genre. Les femmes accumulent moins de richesses que les hommes. Et les inégalités de richesse sont particulièrement perceptibles en période de séparation et d’héritage.
Voilà donc, que je vous livre, en guise de conclusion, un nouveau sujet de réflexion. La lutte pour l’égalité est encore longue. Mais nous sommes là !
Le 26 mars, j’ai pris la parole sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes au Sénat. Voici mon intervention :
L’écart salarial entre les femmes et les hommes se réduit lentement, nous dit l’Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans son rapport dédié paru le 4 mars dernier.
L’écart salarial entre les femmes et les hommes s’élève à 9,2%.
Sans correction pour la durée du travail il grimpe à 23.1%. Ce deuxième chiffre prend davantage en compte l’effet du temps partiel des femmes.
Il s’agit d’une légère diminution par rapport à l’année précédente où ces chiffres s’élevaient respectivement à 9,4% et 23,4%. A réduction équivalente, nous dit le rapport Culture of Equal 2020, l’égalité salariale pourrait être atteinte … en 2066 !
Pour que l’écart salarial disparaisse, nous dit encore l’institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes, la politique doit passer à la vitesse supérieure.
Sanctionnons les comportements discriminatoires, organisons des testings, levons le tabou sur ces questions d’argent, car les discriminations sont le plus souvent cachées.
Une directive Européenne sur la transparence des salaires est actuellement en discussion pour rendre obligatoire la transparence salariale, et donc rendre enfin possible la comparaison des salaires.
Une meilleure application de la loi de 2012 sur l’égalité salariale est nécessaire pour accompagner davantage les entreprises vers l’égalité salariale et garantir aux femmes et aux hommes, à travail égal, un salaire égal.
Récemment interrogée à ce sujet, la secrétaire d’État à l’Égalité des Genres, Sarah Schlitz a ainsi déclaré « Je compte également renforcer la Loi de 2012 sur l’écart salarial pour la rendre plus efficace . L’égalité salariale est un élément essentiel de l’autonomie financière des femmes et donc de leur liberté de choisir de mener la vie qu’elles veulent. Pour y parvenir, je m’attaquerai à la répartition inégale des tâches au sein des ménages, qui repose encore trop souvent sur les épaules des femmes et les empêche de mener leur carrière là où elles le souhaiteraient. Une première étape a été franchie dans ce domaine en doublant la durée du congé de co-parentalité. ».
En effet, la question des inégalités salariales entre les femmes et les hommes est plus vaste que la revendication de travailler à salaire égal.
Une politique est égalitaire si l’objectif est réduire toutes les injustices, qu’elles soient volontaires ou non, qu’elles soient directes ou indirectes, qu’elles s’exercent dans le monde du travail ou en dehors de celui-ci !
Parlons du fléau du temps partiel dans des secteurs peu valorisés
Le temps partiel explique largement l’écart salarial sur base annuelle.
En Belgique, 44% des femmes travaillent à temps partiel contre 11% des hommes, et dans des secteurs où l’emploi est peu rémunéré ( distribution, alimentation, nettoyage, soins de santé, services aux personnes…). Dans ces secteurs, on retrouve des groupes plus vulnérables de femmes : des femmes peu scolarisées, issues de l’immigration ou plus âgées.
Et à peine 10% des temps partiels seraient librement choisis.
Il est temps de revaloriser les métiers exercés aujourd’hui majoritairement par les femmes.
Parlons du plancher collant : un plancher dont il est difficile de se défaire
Le féminisme a connu le plus d’avancées en haut de l’échelle : La parité sur les listes électorales, les quotas dans les conseils d’administration des grandes entreprises, l’accès à des métiers prestigieux,…
Mais tandis que certaines arrivent à se hisser à des fonctions autrefois inimaginables, et à percer le plafond de verre ( en s’appuyant souvent sur le travail d’autres femmes, souvent mal payées, pour entretenir leur maison, garder leurs enfants, confectionner leurs repas, …) bien d’autres continuent à se dépatouiller tout en bas dans des conditions qui ont plutôt tendance à se dégrader.
Notre société a tendance à cantonner les femmes dans des filières sous-valorisées. Je l’ai dit, parce que les études le démontrent, ce sont les femmes travaillant pour des très bas salaires, souvent dans l’emploi à temps partiel et avec un statut d’ouvrière qui sont les plus impactées par l’écart salarial. Le « plancher collant », c’est celui où restent scotchées tant de femmes, dans des métiers peu valorisés, mal rémunérés, aux horaires atypiques et aux conditions de travail pénibles. Sans compter toutes celles qui doivent vivre d’allocations insuffisantes, parfois avec des enfants à leur seule charge.
Agissons pour que la manière dont la situation de ces groupes professionnels peut être améliorée collectivement.
Parlons de l’ombre de la maternité, qui plane sur toutes les femmes
Sur chaque femme, y compris sur celles qui ne font pas le choix de la maternité, plane l’ombre de la maternité.
Ce n’est pas tant à l’embauche que la discrimination intervient, mais plutôt dans « le déroulement de carrière ». Que soyez ou non mère de famille, vous allez être soupçonnée de ne pas être disponible ou de ne pouvoir prendre plus responsabilités (…) Il y a ce qu’on appelle un soupçon de maternité .
Injuste, non ?
Parlons du coût de l’enfant pour la carrière des femmes
« 80 % de la différence de revenus entre les hommes et les femmes est liée à l’arrivée d’un premier enfant », met en avant une étude récente du département d’économie appliquée de l’ULB. Avant le premier enfant, les salaires sont assez similaires au sein du couple. Puis, les revenus des femmes chutent de manière vertigineuse. Huit ans après la naissance du premier enfant, la mère accuse encore une diminution des revenus de l’ordre de 43 %. Supportant davantage la charge de l’éducation des enfants, les femmes recourent davantage à des temps partiels, interruptions de carrière, ou ont plus de difficulté à obtenir des promotions. Pour les pères, aucune différence de ce type n’a été observée.
Toutes les mesures visant à une meilleure répartition de la charge de l’enfant au sein des couples doivent être activées.
Parlons de l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle
Il y clairement un lien entre temps partiel, répartition inégalitaire du travail domestique et rôles genrés. Aux tâches familiales, au soin et à l’éducation des enfants, les femmes consacrent onze heures hebdomadaires de plus que les hommes. Au final, elles ont une charge plus importante que celles des hommes qui consacrent sept heures de plus à un travail qui lui, est rémunéré. C’est là encore un autre cercle vicieux qui emprisonne les femmes, qui, travaillant donc souvent à temps partiel, disposent « de plus de temps » et par conséquent s’acquittent plus de ces mêmes tâches domestiques.
Parlons de l’impact de la Covid sur les (salaires des) femmes.
La crise sanitaire impacte énormément les salaires des femmes : à cause de leur sur-représentation dans les secteurs dont la fermeture a été rendue obligatoire (Horeca, commerces non alimentaire, titres-services) ou en cas de télétravail : une large part de surcroît de tâches liées au ménage et aux enfants. Un chiffre qui démontre ce déséquilibre ? Le congé parental CORONA a été demandé à 75 % par des femmes !
Parlons aussi des pensions
Une femme touche en moyenne une pension 26 % inférieure à celle d’un homme. Et elles ont 5 fois plus de risque de tomber dans la pauvreté.
Les réformes liées aux pensions doivent donc systématiquement être analysées en y intégrant la dimension de genre !
Parlons des inégalités de richesse
Enfin, je terminerai par cela , une ouverture à un autre aspect des inégalités économiques : combler les inégalités de richesse entre les femmes et les hommes est tout aussi important que de combler les inégalités salariales.
Si la plupart d’entre nous avons déjà entendu parler des inégalités salariales (ce que les personnes gagnent), nous sommes moins à connaître l’existence des inégalités de patrimoine (ce que les personnes possèdent – terre, propriété, capital).
Jusqu’à récemment, le marché du travail était considéré comme le principal champ de bataille pour atteindre l’égalité économique. Mais aujourd’hui, un revenu décent ne suffit plus pour garantir une sécurité économique.
La pandémie a exposé les inégalités économiques entre les personnes salarié.e.s, celles qui vivent au jour le jour, et qui ont souvent perdu leurs revenus, et celles qui ont pu se rabattre sur leur richesse, leurs actions financières ou leurs propriétés.
Les inégalités de richesse se calquent souvent sur des discriminations de genre. Les femmes accumulent moins de richesses que les hommes. Et les inégalités de richesse sont particulièrement perceptibles en période de séparation et d’héritage.
Voilà donc, que je vous livre, en guise de conclusion, un nouveau sujet de réflexion. La lutte pour l’égalité est encore longue. Mais nous sommes là !