Cette année 2021 aura été une année importante pour la structuration politique de la lutte contre les violences obstétricales et gynécologiques en Belgique. Je reviens dans cet article sur le chemin parcouru depuis que je me penche sur ce dossier. Que de choses à vous raconter !
Une crise sanitaire révélatrice
Mars 2020, le Covid-19 est partout. Très vite chez Ecolo, nous percevons que cette crise sanitaire ne touchera pas de la même manière les femmes et les hommes. Au Sénat, je participe au travail de recommandations afin de lutter contre les inégalités qui se sont vues renforcées durant la crise sanitaire, en particulier en défaveur des femmes.
Dès le début de la crise, au sein de mon parti, nous organisons une veille pour suivre attentivement la situation des femmes et garantir leurs droits. Les soins de santé de la femme enceinte et les accouchements en font partie : les femmes doivent parfois accoucher seules, toujours avec un masque, parfois beaucoup plus tôt que prévu ou avec une césarienne non nécessaire par manque de personnel soignant disponible. En outre, les informations sont difficiles à obtenir : chaque établissements de soin appliquant son propre protocole sanitaire. Les violences gynécologiques et obstétricales semblent augmenter avec la crise du Coronavirus.
Un problème structurel
Depuis de nombreuses années, et avec une intensité grandissante, la libération de la parole des femmes, notamment via les hashtags #meetoo, #payetonuterus ou encore #Monpostpartum, la mobilisation associative, mais aussi l’expression des soignant·e·s sur la pénibilité de leurs conditions de travail et leur difficulté à prodiguer des soins adéquats participent à mettre en lumière les violence gynécologiques et obstétricales.
Ces violences, héritage de notre société patriarcale, sont complexes : elles touchent l’intimité des femmes et peuvent prendre des formes variées. Elles sont, j’en suis convaincue, structurelles et systémiques. Pour étudier ce phénomène sérieusement, de nombreux aspects doivent être examinés : santé, formation, juridique, psycho-social, sensibilisation, communication, financements, institutionnel… Cela fait du Sénat un lieu intéressant pour mener sereinement ce débat puisque cette assemblée, plus que toute autre, permet de discuter des questions transversales aux différents niveaux de pouvoir de notre pays.
Vote d’une demande de rapport d’information : c’est parti !
Avec mes collègues Hélène Ryckmans (Ecolo) et Célia Groothedde (Groen), nous entamons la procédure pour ouvrir un rapport d’information. Il s’agit d’un travail d’équipe et de longue haleine qui permet, après une série d’auditions de parties prenantes et expert·e·s en tout genre, d’adresser des recommandations politiques aux différents niveaux de pouvoir de notre pays.
Nos premiers constats : nombre de politiques n’ont jamais entendu parler des VOG. Ils n’en connaissent pas l’existence et ne comprennent dès lors pas pourquoi le Sénat se saisirait de ce sujet si peu connu, et peu politisé. À nous de porter la parole de toutes ces femmes qui nous ont fait confiance, nous ont partagé leurs expériences et de convaincre que : si, c’est important ! Il est temps que les femmes en Belgique aient le droit à l’autodétermination de leur corps, pour leur grossesse et leur accouchement, mais aussi pour tous les soins et consultations gynécologiques.
Le 23 avril 2021 , la demande de rapport d’information est votée en séance plénière du Sénat : le travail politique peut commencer !
Nous devons alors réfléchir à la meilleure méthodologie à adopter pour apporter au sein du Sénat une vision hollistique de la thématique.
Des rencontres exploratoires
Depuis plus d’un an maintenant, je rencontre une multitude d’acteurs et actrices de terrain : associations, gynécos, sage-femmes, fédérations, corps enseignant, chercheur·euse·s, victimes, juristes… Souvent par zoom, mais aussi quelques fois sur le terrain, comme par exemple la semaine dernière à la maternité du CHU St Pierre à Bruxelles .
A chaque fois, ce sentiment de pouvoir passer des heures à discuter tant le sujet est vaste. A chaque fois, un accueil soulagé que la thématique soit (enfin) abordée en politique. A chaque fois, ce constat qu’il y a tant à faire pour pouvoir améliorer la situation des femmes.
A toutes ces personnes déjà rencontrées. : MERCI votre temps, pour ces discussions. Elles me permettent de mieux cerner la situation et d’affiner aussi nos méthodes pour traiter le sujet au Sénat.
Le début des auditions
25 octobre : Première séance d’auditions au sein du comité d’avis d’égalité des chances du Sénat. Pour Ecolo, ce sera la Plateforme pour une Naissance respectée qui s’exprimera avec les toutes premières informations issues de la première grande enquête réalisée en Belgique sur les conditions de la naissance. Nous avons tenu à commencer le travail en donnant la parole aux femmes. Ce que nous entendons, nous l’avons déjà entendu des dizaines de fois cette année durant notre travail exploratoire et nous espérons que cela impacte tout autant les autres sénateurs que nous… ou plutôt sénatrices : aucun homme n’est présent à cette séance. L’intérêt n’est pas (encore) à son comble ! Différents points de vue s’expriment et cela dresse un bon premier tableau.
Au Sénat et au-delà !
Nous apprenons que d’autres partis, suite à cette séance, se mettent à organiser des événements liées aux VOG. Coïncidence ? Peut-être que notre travail résonne déjà au-delà des murs du Sénat.
La journaliste Alix Dehin y consacre un article très équilibré dans le Elle Belgique ! de ce mois de décembre, où mon travail a pu être cité. Imagine demain le monde, AlterEchos et le Ligueur publient également des articles sur ce thème. Merci à toutes le plumes qui participent à l’important travail de sensibilisation.
Aussi, d’un point de vue politique, je me réjouis qu’en bonne collaboration avec mes collègues écologistes Sarah Schlitz, Secrétaire d’État à l’Egalité des Genres, ainsi que Bénédicte Linard, Ministre en charge notamment de l’Enfance et des Droits des femmes en Fédération Wallonie-Bruxelles, la lutte contre les violences obstétricales apparaissent pour la première fois dans des plans d’actions politiques. La volonté de faire avancer les choses est bien là !
La tension palpable
29 novembre : Deuxième séance, plus corsée. Nous recevons les représentant·e·s des gynécologues et des sages-femmes francophones et néerlandophones. J’entends tout et son contraire : de l’adhésion sur ce thème mais aussi le refus d’utiliser les termes de « violences obstétricales et gynécologiques », des attaques sur les revendications féministes, mais surtout, il faut le dire, des paroles très dures, et terriblement paternalistes, qui nous semblent venir d’un autre temps. Nous touchons une corde très sensible, mais des pistes sont toutefois avancées.
Je veux plus que tout avancer dans le dialogue, en ne perdant personne en chemin. Essayons de tous et toutes regarder dans la même direction, même si nous allons à différentes vitesses ou empruntons des chemins différents. La destination est la même : le respect des femmes et de leurs droits, en équilibre avec les enjeux de santé.
Et la suite ?
Nous allons pousser pour continuer les auditions d’expert·es au Sénat. En deux séances, nous avons à peine dressé une introduction. De nombreuses informations manquent encore pour rédiger les meilleures recommandations possibles: formation du personnel soignant, public fragilisé, financement des soins de santé, sensibilisation des patient·e·s…
De mon côté, plusieurs rencontres sont déjà à mon agenda : sur le terrain, dans des maternités ou d’autres lieux de naissance, les centres de planning, … J’espère aussi trouver encore le temps de partager mon travail, en tenant à jour mon site ou en partageant sur les réseaux sociaux. Vous voyez que j’ai beaucoup de choses à vous raconter !
Je reste aussi à l’écoute de vos suggestions: vos commentaires, vos réflexions, vos ressources me sont précieuses. Un conseil, une personne-ressource incroyable, une idée de visite de terrain, une lecture intéressante : tout cela peut m’aider encore à faire avancer ce dossier, pour plus de bientraitance à tous les niveaux de prise en charge des soins de santé, pour toutes les femmes. Contactez-moi !
En attendant de poursuivre cet intéressant travail politique l’an prochain, je vous souhaite de belles fêtes de fin d’année et une année 2022 riche en belles surprises.
Bonjour,
Je suis en train de monter un projet de thèse sur ka posture d’accompagnement de la naissance et porte une réflexion sur le développement d’une pratique de supervision spécifique aux métiers de l’obstétrique et de la périnatalité. Je suis à votre disposition pour échanger voir collaborer, selon vos besoins.
Avec paisir !
Je vous contacte de ce pas.
Bonne journée
France
Merci. Ma fille a èté ‘maltraitée’ lors d’une opération d’un fibrome á la matrice en période Covid. Je lui transmets cet article, bien qu’elle soit néerlandophone.
Bonjour Arlette.
Merci pour votre message. Je vous invite alors à suivre également le travail de ma collègue Celia Groothedde, de Groen qui intervient également depuis longtemps sur ce thème.
Bonne journée !
France
Merci de vous atteler à ce dossier important. Oui les violences de ce type existent, non, les médecins ne les reconnaissent pas nécessairement et pas qu’en obstétrique.
Un témoignage: Une visite chez le chirurgien, préalable à une hystérectomie avec suspicion de cancer des ovaires; le chirurgien ayant expliqué les gestes qui allaient, pour moi, réduire mon ventre à un champ de patates, je lui demande si un geste esthétique peut être envisagé. Réponse: « Ah, ne m’emmerdez pas! Quand il s’agit de vie ou de mort, on ne s’embête pas avec ces choses-là »..Textuel..
De plus, il a exigé de pratiquer l’examen (qui avait déjà été fait) et que j’ai vécu comme un viol. C’était il y a 15 ans mais ce médecin pratique toujours…
Meilleurs voeux à vous et bon courage,
Une écologiste convaincue
Bonjour Laurette !
La menace de la mort, la peur et la crainte sont souvent brandies comme argument d’autorité. Le dialogue entre patientes et soignants est pourtant selon moi une clé pour dépasser les violences, bien comprendre les actes médicaux, et leur nécessité et les besoins exprimés par les patientes.
Mais il n’est pas toujours équilibré. Et demande de l’écoute et du temps.
Merci Laurette pour votre témoignage et vos précieux encouragements.
Et meilleurs voeux à vous également !