« C’est notre démocratie dans son ensemble (et ensemble!) qu’il faut réformer »
Ouvrir grand les portes de nos parlements pour réoxygéner la démocratie: c’est depuis toujours la priorité des écologistes à tous les niveaux de pouvoir.
Pour y parvenir, l’amélioration de nos institutions constitue un passage indispensable! Et il n’y a pas de mauvais moment pour y réfléchir: dans la Libre Belgique de samedi 8 janvier, Egbert Lachaert et Stephanie D’Hose (VLD) proposent de « supprimer le Sénat tel qu’il existe aujourd’hui ». La contribution des libéraux flamands au débat est utile. Nous voudrions l’enrichir de deux propositions.
Pour une assemblée citoyenne
Tout d’abord, ne nous arrêtons pas en si bon chemin et réfléchissons ensemble à ce que le Sénat pourrait devenir ensuite! Le groupe Ecolo au Sénat a déposé dès juillet 2020 une proposition de révision de la Constitution visant à remplacer le Sénat par une assemblée de citoyen.ne.s tiré.e.s au sort. Cette assemblée réinventée aurait pour vocation de délibérer d’une série de sujets de long terme. Si son fonctionnement reste bien sûr à réinventer, elle pourrait, par exemple, disposer d’un droit d’initiative législative, rédigerait des rapports d’information et des recommandations, participerait au processus de révision de la Constitution. Son mandat, non renouvelable, serait limité dans le temps. Les citoyen.ne.s tiré.e.s au sort seraient accompagné.e.s dans leurs tâches par des spécialistes des matières débattues. Des lieux de délibération interparlementaires seraient en outre mis en place avec les représentant.e.s des différents groupes politiques présents au sein de la Chambre des Représentants.
Selon les vœux de sa présidente actuelle, la réforme du Sénat doit permettre de réaliser des économies. Selon nous, elle peut – et doit – présenter bien d’autres atouts. S’il est bienvenu que la délibération parlementaire permette la confrontation collective des partis, de programmes et de forces sociales différentes, cette assemblée tirée au sort contribuerait à décloisonner la délibération parlementaire, en permettant notamment de dépasser les clivages attendus entre majorité et opposition et en favorisant une discussion plus ouverte des positions en présence. Si l’élection tire sa légitimité de l’idée qu’elle traduit l’expression de la population, le tirage au sort assure une représentation plus diversifiée qu’elle ne l’est aujourd’hui, tant en termes de représentation de genres qu’en termes de représentation socio-professionnelle. Enfin, cette nouvelle assemblée contribuerait tout simplement à rendre les débats plus accessibles aux citoyen.ne.s, à donner plus de place aux mots de tous les jours, à favoriser une délibération plus impartiale.
Par ailleurs, pourquoi devrions-nous seulement réformer le Sénat? Il est temps que les réformes de l’État belge cessent d’être un duel communautaire. Il est grand temps également de répondre au sentiment de dépossession politique que beaucoup de citoyen.ne.s éprouvent. La crise sanitaire a renforcé la conviction, pour beaucoup d’entre nous, que les parlements n’ont pas assez de poids vis-à-vis des exécutifs et que les citoyen.ne.s n’ont pas assez de poids vis-à-vis des élus.
Améliorer la délibération démocratique
Il ne faut pas seulement réformer le Sénat mais notre démocratie dans son ensemble. Trois pistes à cet égard.
La première consiste à créer une circonscription fédérale. 50 députés élus sur une circonscription unique, pour lesquels les Belges peuvent voter quels que soient leur lieu de résidence et leur appartenance linguistique. La création d’une circonscription a recueilli des réactions positives au sein de presque tous les partis démocratiques. Il est temps de transformer l’essai.
La deuxième consiste à généraliser et approfondir la mise en place de commissions délibératives composées de citoyen.ne.s tiré.e.s au sort et de parlementaires. Il faut que ces commissions soient instituées également au niveau fédéral. Elles doivent aussi et surtout disposer d’un pouvoir législatif comparable à des commissions classiques.
La troisième consiste à donner aux Belges le pouvoir de se prononcer directement sur les grands sujets qui habitent le débat public national, par consultation ou par referendum. La pandémie que nous vivons depuis maintenant deux ans montre que les Belges veulent être davantage impliqués dans les grands choix que la société se pose. Elle montre aussi que la capacité de débattre n’est pas un don réservé à certain.e.s mais un pouvoir qui doit être accordé à tous et à toutes: la démocratie directe permet elle aussi d’enrichir la qualité des décisions prises.
Il y a un an, nous écrivions ces lignes : « La démocratie est un régime où chacun.e est susceptible d’exercer une parcelle de pouvoir collectif. Explicites ou inassumées – rien de tel pour couler une idée de se borner à la trouver « sympathique » – les oppositions que nous rencontrerons seront souvent illustratives de la réticence des élu.e.s à se dessaisir de leurs prérogatives : elles nous encourageront. Elles reposeront aussi sur des arguments raisonnables: discutons-en. Dans ce cadre, les partisans du statu quo devront toutefois expliquer comment la représentation élective peut pallier à ses manques internes mieux que notre proposition le ferait ».
Nous n’en retirons rien. Nous souhaitons que ces propositions soient sérieusement abordées au sein des Chambres fédérales. Le rapport que la Commission pour le Renouveau démocratique et la Citoyenneté a récemment adopté sur la modernisation de notre système démocratique sera le meilleur des points de départ pour lancer rapidement la discussion.
John Pitseys – Chef de groupe au Parlement bruxellois
France Masai – Cheffe de groupe au Sénat
Rodrigue Demeuse – Sénateur et député wallon
Guillaume Defossé – Député fédéral
Magali Plovie – Députée bruxelloise
Farida Tahar – Sénatrice et députée bruxelloise