1. Pourquoi c’est important
L’industrie de la mode et du textile produit des désastres environnementaux et sociaux.
En Europe, la consommation de textile représente la 4è me source d’impact sur l’environnement et le changement climatique, après l’alimentation, le logement et les transports.
Par ailleurs, les conditions de travail et de santé, au départ de la chaîne de production des travailleurs, et surtout des travailleuses car ce sont principalement des femmes et des filles sont également désastreuses.
En plus de cela, nous jetons en moyenne 11 kilos de textile chaque année. On achète 60 % de vêtements en plus qu’en 2005! Et beaucoup de vêtements dorment dans nos armoires.
Chez Ecolo, nous avons fait de ce thème une priorité. Nous voulons explorer toutes les pistes pour soutenir les alternatives au modèle industriel dominant, soutenir la création d’emploi par la relocalisation de certaines activités de ce secteur en Wallonie et aussi réinventer notre relation à la mode.
2. La situation aujourd’hui
Le situation n’est pas simple pour les consommateurs qui déplorent un manque de transparence. Acheter des vêtements produits localement et durables : comment ? Peu d’infos sont livrées aux consommateurs sur la composition du tissu, le mode de fabrication, la traçabilité, souvent réduit à devoir faire confiance à ce que dit la marque, avec toutes les dérives de greenwashing à la clé.
La situation n’est pas simple non plus pour les entrepreneurs conscients de ces dérives, et qui veulent s’engager pour une mode plus durable aujourd’hui sont confrontés d’une part à la concurrence de prix qui n’intègrent pas ces dimensions éthiques et environnementales; mais aussi à beaucoup de questions pratiques. Voire à des impasses. Où confectionner leurs produits, comment choisir une matière locale, comment inviter à mieux consommer, etc.
La bonne nouvelle, c’est que ça bouge !
Une importante étude – FiT’In, Filière textile intersectorielle – à été menée en 2021 en Wallonie. Elle dresse l’état des lieux du secteur et aussi une liste très intéressante de recommandations.
1/ Les projets se multiplient. Et des collaborations se créent : enjeu de créer des ponts entre les différentes initiatives.
Les pouvoirs publics doivent coordonner ces projets pour favoriser l’entraide et la cohérence dans ce secteur.
++Ca bouge aussi dans les pays voisins, il y a un effet d’entraînement positif.
2/La demande croissante de produits durables est une opportunité, ainsi que le souhait d’une plus grande transparence (composition du textile ou pratiques de responsabilité sociale et environnementale.)
3/La pression des ONG pour changer la chaîne de valeur textile à l’échelle mondiale est forte et ne faiblit pas depuis le drame du Rana Plaza en 2013.
4/ L’épidémie de covid-19 a amené une prise de conscience de nos dépendances aux marchés internationaux, et des dérives qui peuvent être liées.
5/ Un contexte politique favorable au niveau européen, une stratégie pour des textiles durables a été présentée en mars 2022. Elle sera traduite dans un parcours de transition d’ici la fin de cette année. Et contient des objectifs extrêmement importants :
- fixer des exigences de conception pour les textiles afin qu’ils durent plus longtemps et soient plus faciles à réparer et à recycler;
- introduire un étiquetage plus clair sur les textiles et un passeport numérique pour les produits;
- donner aux consommateurs les moyens d’agir et lutter contre le greenwashing en garantissant l’exactitude des allégations environnementales des entreprises;
- mettre un terme à la surproduction et à la surconsommation et décourager la destruction des textiles invendus ou retournés;
- harmoniser les règles en matière de responsabilité élargie des producteurs dans l’UE, ainsi que les incitations économiques pour rendre les produits textiles plus durables;
- agir contre le rejet non-intentionnel de microplastiques par les textiles synthétiques;
- relever les défis posés par l’exportation de déchets textiles; adopter une boîte à outils de l’UE contre la contrefaçon d’ici à 2023;
3. Que pouvons-nous faire en Belgique ?
En plus des aspects de régulation des entreprises, qui dépendent essentiellement de l’Europe ou du niveau fédéral, les leviers les plus importants en Wallonie sont l’adoption de modèles circulaires et le développement de filières locales.
L’éco-conception, la réduction de la production et la revente des articles existants sont ainsi primordiales.
En Wallonie, la stratégie Circular Wallonia et son axe prioritaire textile sont aussi d’excellents appui pour avancer.
L’économie circulaire invite à considérer les matières comme des ressources, tout au long de leur cycle de vie avec comme valeur : la longévité, la qualité, la fonctionnalité, et l’absence de déchets. Un vêtement préalablement conçus pour tenir est loué puis réemployé ou recyclé.
C’est possible de relocaliser une partie de l’industrie de la mode en Wallonie grâce à la présence de matières premières durables (lin, chanvre, laine) et de ressources (textiles usagés collectés). Valbiom étudie en ce moment les sortes de chanvre qui permettrait de créer des textiles en Wallonie. Le lin est déjà très prometteur.
Ce qui est complexe actuellement c’est que des chaînons du cycle de production manquent, ou sont à réinventer.
Ça passera immanquablement par la valorisation et l’enseignement des métiers techniques du textile (aussi les métiers plus techniques ou industriels, pas seulement les métiers le plus créatifs comme le stylisme 😉
Enfin, pour toutes les administrations et organismes publics, l’exemplarité doit être de mise : il fut systématiser les achats de produits textiles éthiques et responsables, dont des produits locaux ou issus de l’économie circulaire ( cela implique de modifier les cahiers des charges et les critères d’attribution).
4. Pas une fatalité mais tout de même un paradoxe
La fast fashion n’est pas une fatalité. Il est possible de développer des alternatives pour permettre à chacun et chacune de s’habiller selon ses goûts et en faisant preuve de responsabilité. Car nous avons une responsabilité.
Les tee-shirts à 5 € produits à l’autre bout du monde dans des conditions de travail déplorables et à un prix environnemental élevé, c’est un problème. Des vêtements qui font 3 fois le tour de la planète, c’est une aberration.
Mais il existe un paradoxe entre l’envie d’achat durable et l’acte réel d’achat. C’est pourquoi, des campagnes de sensibilisation et d’information auprès des consommatrices et des consommateurs doivent aussi être organisées.
J’ai développé toutes ces mesures favorisant le développement d’une industrie du textile et de la mode plus durable – il y en a 33 au total ! – dans une proposition de résolution que j’ai soumise au Sénat. Avec la volonté que, du local au global, de nouvelles règles et bonnes pratiques permettent au secteur textile de créer de l’emploi local sans détruire la planète.
Retrouvez ici une note du Centre Jacky Morael sur la Slow Fashion.