Vous souhaitez connaître d’autres témoignages concernant les violences gynécologiques et obstétriciales ?  C’est par ici  :

les courageux témoignages du vécu de femmes dénonçant les violences gynécologiques et obstétriciales en Belgique.

 

« En Belgique, 6 couples sur 10 ont recours à la PMA (Procréation Médicalement Assistée) pour avoir un enfant ». Ce chiffre me vient de la thérapeute formée spécifiquement pour le suivi des personnes en PMA qui nous a accompagné pendant de long mois (2018). La PMA concerne tout autant une « simple » prise de médicament qu’une Fécondation In Vitro (FIV) ou d’autres techniques. Mais dans tout les cas, la médecine est intervenue dans le processus de procréation.

Malheureusement mon compagnon et moi, avons été nous aussi contraints d’emprunter ce chemin. Ce n’est pas vraiment un choix, c’est plutôt une épreuve qui a un impact traumatisant allant bien au-delà du milieu hospitalier et qui, à l’heure ou j’apporte des précisions à mon témoignage, en avril 2021, n’a pas porté ses fruits pour nous.

Au fils de mes expériences dans ce milieu qui est encore parfois dans le mode « tâtonnement » et dont la finalité reste quelque chose qui échappe totalement à la maîtrise humaine, je me suis dis très vite que je ne pourrais pas garder cela pour moi, qu’il fallait « faire quelque chose ». Désolée déjà si je vous semble parfois crue dans mes propos.

Premier « kwak » …

Il est important pour moi d’évoquer une chose. Avant de nous conseiller la PMA après une fausse couche « naturelle » en janvier 2016, sans examen complémentaire, mon gynécologue m’a fait prendre un traitement sur 3 mois pour stimuler l’ovulation. N’ayant pas obtenu de résultat probant, il m’a invitée à réaliser un « test post-coïtal » (prélèvement de sperme dans le vagin, quelques heures après une relation et visionnage au microscope)… Et là il me dit « Oh, on va arrêter de vous embêter ! Je vous envoie chez une andrologue ! ». Par défaut, la solution préconisée pour provoquer une grossesse que ne venait pas naturellement passait par la résolution d’un problème chez la femme.

En septembre 2016, sur les conseils de mon gynécologue toujours, je prends donc rendez-vous dans un centre de PMA en Belgique, dans une hôpital universitaire bruxellois. J’obtiens un rendez-vous en novembre 2016…. La patience est de mise ! Mon compagnon et moi, nous suivons la (très) longue procédure imposée avant toute intervention PMA. Pour chaque rendez-vous imposé, il y a une attente de plusieurs semaines voire plusieurs mois. Dans la temporalisé qui est la nôtre, c’est extrêmement éprouvant. Séances d’informations, examens divers, formulaires, …

Nous avons notamment un rendez-vous chez un psychiatre de l’hôpital formé expressément pour l’accompagnement des candidats PMA… Le rendez-vous se déroule dans une petite pièce aveugle, le psy décroche 3 fois son téléphone durant un entretien que nous trouvons vide de sens. Quelques semaines plus tard, nous recevons chacun une facture de +/-60€. Cette consultation, qui est présentée comme une prise de contact avec la personne qui sera là pour nous soutenir psychologiquement tout au long de notre parcours en tant que couple est facturée de manière individuelle. J’envoie un mail à l’hôpital dans lequel je m’interroge sur cette pratique que je trouve un peu abusive et contradictoire. Je conclu en disant que cela ne nous convient pas et que nous préférons être suivis en dehors de l’hôpital dans un système que nous trouvons plus proche de nos attentes et qui ne nous demande pas 120€ pour 50 minutes. Le psy me répond en personne que cela est tout à fait dans les normes en vigueurs pour l’INAMI et que de toute façon, nous recevrons un remboursement de notre mutuelle (c’est vrai, ça, de quoi je me plains ?). Quelques semaines plus tard, je reçois note de crédit du ticket modérateur pour une des deux consultations…

Par la suite, nous trouverons une thérapeute formée pour le suivi des personnes en PMA ailleurs, dans la région de Gembloux. Une personne formidable qui nous a reçus, en couple, pour des consultations de 60€ avec possibilité de remboursement de la mutuelle et qui était à même de nous soutenir dans ce parcours !

On passe à du concret …

Je subis une opération des trompes par laparoscopie fin décembre 2016 alors qu’un examen réalisé 4 mois auparavant via mon gynéco montre que tout est parfait de ce côté. J’ai du donner 10 coups de fils pour obtenir une place dans un délai de moins de 3 mois. De nouveau, gros décalage de temporalité ! C’est une opération « préventive mais obligatoire »… « Au cas ou », sous anesthésie générale…

Je suis livrée à moi-même pour trouver où me faire opérer. Dans l’hôpital où travaille mon gyneco à Namur, pas de place avant février 2017. Trop long pour nous ! A Namur, pour toute démarche que je dois faire pour la PMA, je dois à chaque fois réexpliquer pourquoi je suis là, ce qu’il faut faire comme examen, pourquoi je dois être prise en charge à tel heure tel jour etc. En désespoir de cause, je choisi de faire les aller-retour vers Bruxelles. Plus de route, plus de fatigue mais pas besoin de négocer ou de me justifier. Même mon gyneco ignore les procédures PMA.

L’opération se fait finalement via l’hôpital de jour à Bruxelles, dans le même hôpital où nous sommes suivi en PMA. J’ai pu être hébergée par des membres de ma famille qui peuvent me conduire et venir me chercher après l’intervention. En salle de réveil, je suis prise de tremblements tellement j’ai froid. Au bout d’un temps qui me semble infiniment long, je fini par pleurer parce que je suis encore à moitié droguée et que personne ne vient. Je ne sais pas quoi faire. Une infirmière passe à ma hauteur et me demande : – « Je peux savoir pourquoi vous pleurez ??? » – « J’ai froid, j’ai mal »… Je me sens pitoyable et ridicule de la déranger pour si peu. Sauf que mes dents s’entrechoquent et que les tremblements me donnent mal au ventre, là où on m’a ouvert. Après l’installation d’une couverture d’hôpital type « serviette de plage » et de longues minutes d’attente, je tremble toujours de froid. – « Ca va toujours pas mieux ??? » – « … ». Elle fini par mettre une sorte de résistance chauffante au dessus de moi. Les spasmes s’arrêtent progressivement. Pendant ce temps, je profite des discussions du personnel hospitalier. Menu et activités prévus au nouvel an, réussites et échecs au permis de conduire, météo des cîmes, coût des vacances en avion, … J’ai l’impression d’être une emmerdeuse.

Je constate que j’ai été rasée à moitié au niveau du pubis. Je n’en avais pas été informée au préalable. Je rentre chez moi pour ma convalescence un peu retournée… Je ne savais pas que cela pouvait ce passer comme ça car mon expérience en salle de réveil à Namur, après curetage était si humaine !

Premiers essais …

En janvier, février et mars 2017, nous faisons 3 inséminations artificielles. Dans ces cas-là, nous avons majoritairement affaire à des infirmières de PMA. Ce sont des anges. Je les remercie encore ! Les inséminations n’ont pas fonctionné. Après cela, nous sommes malheureusement contraints de passer par une autre étape : la fécondation in vitro (FIV). Nouvelle procédure : Dépistage pour la mucoviscidose pour mon compagnon. 6 semaines d’attente… Temporalité décalée…

Entre tous les examens, nous voyons notre gynécologue référante et andrologue qui est aussi chef de service et professeure. Dans ces salles d’attente bombées où se côtoient les personnes de PMA en souffrance et les femmes enceintes et/ou avec enfants ou bébés (cela peut paraître anodin, mais c’est très éprouvant, cette « cohabitation » !) l’attente est de minimum 2 heures 30 (sans compte le trajet à faire aller-retour pour y aller). Parfois, nous attendons encore dans le cabinet dépourvu de fenêtre pendant 30 minutes, seuls, sans explication. En consultation, c’est très rapide. Quand je sors de là et je me rends compte que je n’ai pas pu poser mes questions, que je n’ai pas tout compris ou je réalise ce que j’y ai entendu après coup «  Vous devez bien comprendre que ce genre d’analyses coûte cher à la société ! », « Votre compagnon n’a pas encore fait cet examen-là ? Mais il faudra reprendre rendez-vous ! » … Et bim ! 1 mois de plus à attendre !

Après plusieurs fois, je pige le truc et je fais des listes pour ne rien oublier, insiste pour avoir des explications quand je ne comprends pas et prend des notes. Mais quel stress !

Ca se complique …

En mai 2017, 1ère stimulation par injections d’hormones à la maison. J’ai appris à me faire ces piqûres moi-même grâce à un tuto sur YouTube. C’est plus facile et moins cher que de faire venir une infirmière à la maison à toute heure du jour ou de la nuit et au final, ca me fait moins mal et j’ai moins de bleus quand c’est moi qui fais l’injection. La stimulation est suivie par une ponction d’ovocyte.

Cela se passe en hôpital de jour dédié à la PMA à Bruxelles, tôt le matin. Là, nous sommes « entre nous ». Je préfère ça, finalement. Pas de femmes enceintes ou de bébés près de nous, c’est plus facile. Après avoir fait son « don », mon compagnon est autorisé à être à mes côtés dans la salle d’opération. Je suis couchée sur le dos, les pieds en l’air dans des étriers et les bras attachés écartés à plat. Une infirmière est à mes côtés. Sans que l’on m’ait demandé mon avis, une petite dizaine de personnes que je ne connais pas se trouvent dans la salle d’op et me regardent. Je n’ose pas poser de question, c’est un hôpital universitaire… Mais je me sens mal à l’aise. On attend que la spécialiste soit disponible … Je reçois ce qu’ils appellent « une sédation de confort ». Je suis parfaitement consciente mais incapable de garder les yeux ouverts et de parler. Je suis comme emballée dans des papiers/tissus de salle d’opération mais j’ai froid. Quand la spécialiste commence l’intervention après que l’infirmière m’ait préparée, la douleur devient vite insupportable. A tel point que je me cambre, seul moyen d’expression claire que je trouve. Je serre la main de mon compagnon et celle de l’infirmière pour appeler au secours. Il y a un problème, les personnes présentes discutent entre elles, c’est tendu. L’infirmière demande à plusieurs reprises à l’anesthésiste (que je n’ai jamais rencontré) de faire quelque chose. Je m’endors de plus en plus mais la douleur est très aiguë, je me cambre encore tellement j’ai mal. C’est confus autour de moi, j’entends l’infirmière demander qu’on arrête tout « Vous voyez bien qu’elle n’en peut plus », elle parle de salle de réveil alors que je suis sensée aller me réveiller dans ma chambre. J’entends l’anesthésiste se défendre en disant qu’« il n’est là que depuis 1 an seulement ». Cela semble durer une éternité. J’entends le décompte pour chaque ovocyte ponctionné. Quand je crois que c’est fini, la gynéco change de côté et ponctionne de nouveau. Le passage d’un côté à l’autre me déchire les entrailles. J’ai l’impression que l’intérieur de mes trompes est broyé, pincé, coupé. Cela irradie dans mes jambes. Une douleur sourde, qui vient pas vagues, palpitante, qui donne la nausée. L’infirmière me caresse les cheveux, elle m’encourage avec douceur. Mon compagnon me caresse le bras, il ne sait pas quoi faire d’autre. Je suis reconduite dans ma chambre, je saigne beaucoup. J’ai envie de vomir. Je reste prostrée dans mon lit entre nausée et tournis. Je ne sais ni manger ni me lever avant la fin de la journée. L’anesthésiste passe dans ma chambre. Je découvre son visage. C’est un tout jeune gars. Il a l’air mal à l’aise mais j’ai la sensation qu’il vient juste pour voir la tête que j’ai plutôt que pour s’excuser d’avoir foiré son job. Il s’en va en faisant juste en petit signe de tête. Les infirmières présentes sont mal à l’aise, une gynéco m’énumère le nombre d’ovocyte prélevé, dit que cela s’est bien passé, me donne l’autorisation de sortie et s’en va. Il faut partir parce que le service ferme. Nous sortons stressés et déboussolés. C’est mon compagnon qui a prononcé en premier un mot que des personnes à qui je me suis confiée ensuite ont aussi prononcé : « viol ».

Nos embryons sont congelés car le test mucoviscidose est positif pour mon compagnon donc la procédure veut que je le fasse moi aussi pour éviter de « créer des bébés éprouvette malades ». Je suis ok sur le principe mais trouve le timing bizarre… Soit. De nouveau 6 semaines d’attente.

Et ça continue …

Les jours qui ont suivis la ponction, je fais un « syndrome d’hyper stimulation ovarienne ». Mon corps « sur-réagi » à la stimulation hormonale qui oblige à fabriquer un maximum d’ovules pour les ponctionner. Mon ventre est énorme. J’ai des nausées, des étourdissements et une oppression respiratoire. Je me rends aux urgences de mon hôpital « habituel »à Namur. A l’échographie, on voit que mes ovaires ont la taille d’une balle de tennis chacun. Je suis à deux doigts de l’hospitalisation. Quelques jours plus tard, ca va mieux. Je suis en consultation chez la gynécologue de PMA à Bruxelles. « Dites, votre ventre n’est pas si gros », «  Estimez-vous heureuse ! Vous savez qu’il y a d’autres femmes le font plus fort que vous ! ». Oui, je sais maintenant que c’est vrai. J’aurai simplement aimé être informée que cela pouvait arriver et être écoutée sans jugement.

Septembre 2017, transfert de 2 embryons. Je ne suis pas porteuse de la mucoviscidose donc ils sont sains. Seuls ces 2 embryons sont en vie et « transférables » sur la dizaine d’ovules ponctionnées et fécondées. Cela signifie qu’il faudra refaire une ponction si cela ne fonctionne pas cette fois-ci, pas d’autres essais possible avant cette nouvelle épreuve. Nous sommes dans une chambre commune, prêts pour l’intervention. C’est à ce moment là qu’on nous dit combien d’embryons ont survécus, combien seront « détruits » car « mauvais » et combien peuvent être « transférés » dans mon ventre. Nous partageons cette intimité profonde et bouleversante avec nos voisins de chambre, de l’autre côté du rideau. La médecin lit son papier assise nonchalement sur le coin de mon lit. Elle demande si on veut bien transférer les deux ensembles… Ils sont déjà décongelés… A ce moment-la, on parle stratégie. « En mettre deux, ca donne plus de chance qu’il y en ait un qui se développe ». « – Et si on en prend qu’un seul ? – L’autre sera détruit… ». Pourquoi nous interroger sur la quantité à transférer si potentielment, le fruit de nos entailles sera détruit ??? Je pense aux emballages de produits surgelés sur lesquels on peut lire qu’il ne faut jamais recongeler un produit qui a déjà été décongelé. C’est dans cet état d’esprit que je rentre dans la même salle d’op où j’ai subi la ponction et où en 3 minutes chrono, mes promesses de bébé microscopiques sont déposées dans mon utérus. « Au revoir madame, vous pouvez rentrer chez vous, prise de sang dans 10 jours ».

Ils ne se sont pas accrochés.

D’octobre à décembre 2017, nous avons besoin de nous poser, de reprendre confiance et de prendre soin de notre couple.

On remet ça …

Janvier 2018, 2ème stimulation et ponction. Je demande à être hypnotisée en plus de la sédation pour être mieux pendant l’intervention. J’explique avoir très mal vécu la première ponction « Ah oui ? Tiens, pourtant cela se passe généralement bien avec Mme X ???? ». Je n’ose pas rentrer dans les détails, je me sens « douillette » et « emmerdeuse », j’ai le sentiment d’être une connasse qui ne mesure visiblement pas la chance qu’elle a d’être prise en charge pas des personnes aussi reconnues dans leur spécialité. Petit sourire condescendant derrière la couche de fond de teint : Professeure Y m’explique que lors d’une intervention sous hypnose, la salle d’op est moins éclairée, qu’il y a moins de monde, que le personnel fait le moins de bruit possible. Prise en charge plus douce et plus humaine ? Je prends !

Nous voilà au jour J. Mon compagnon est à nouveau présent et une infirmière est à mes côtés pour l’hypnose. On m’a dit qu’elle a été spécifiquement formée pour cela. J’ai discuté quelques minutes avec elle dans ma chambre, on a convenu qu’on va se baser sur des images de mes dernières vacances pour me permettre de « m’évader » plus facilement. Moins de monde dans la salle, effectivement. Je n’ai jamais été hypnotisée mais je suis très ouverte et partante. La gynéco spécialiste qui va me faire la ponction se fait attendre, je suis déjà allongée sur le dos les jambes en l’air et attachée aux bras. J’ai froid. C’est la même personne qui a fait la première ponction. Elle a l’exclusivité dans ce service. Je suis très stressée. Mon compagnon aussi. Elle arrive, je suis déjà en train d’écouter l’infirmière chargée de l’hypnose qui me murmure des choses à l’oreille… Mais plein de bruit. Porte qui s’ouvre et se ferme, jet d’eau, tabouret déplacé, instructions, commentaires. J’essaie de me concentrer sur ce qu’on me dit dans l’oreille et sens que la sédation passe dans mes veines, mon corps s’engourdit. Puis, la spécialiste m’agrippe les fesses et me tire vivement vers le bord de la table avant d’enfoncer brusquement et sans avertissement préalable des tampons dans mon corps. Il s’agit de compresses imbibées d’iode tenues par une longue pince en métal. C’est très froid. Je connais. Mais pas comme ça. Rapide et efficace, la spécialise effectue des rotations et des va et vient en moi avec ces compresses. Ca me fait mal, ça me bouscule. Je me sens écartelée, cette pénétration me chamboule totalement. Je sors complètement de « « l’hypnose » » et je pleure, à moitié sédatée, groggy. La suite ? La même douleur que je reconnais, la main serrée de mon compagnon qui compatis et est aux premières loges. Je pleure. J’essaie de me rappeler des exercices de respiration appris au yoga, je trouve un point orange sur la lampe au-dessus de moi et je le fixe, je souffle par la bouche, j’inspire par le nez … Mais j’ai envie de dire à l’infirmière qui croit m’hypnotiser de se taire, de me laisser gérer moi-même car finalement je n’ai pas le choix. La spécialiste se met debout et appuie sur mon ventre avec son poing, elle recommence en insistant. De tout son poids. Cela fait si mal que j’ai le souffle coupé. A ce moment, j’ai le sentiment d’être juste un corps, même pas vivant. Je subis totalement ce qui arrive. Au retour dans ma chambre, je suis effectivement moins shootée que la première fois, c’est bien ils ont fait un effort sur ce point ! Je me sens si humiliée et malmenée que nous partons le plus vite possible. Je préfère être à la maison même s’il faut faire le trajet en voiture dans un sale état et gérer nous-mêmes la douleur.

Quelques jours après cette 2ème ponction, pas de syndrome d’hyperstimulation donc 2ème transfert de 2 embryons. On apprend 5 minutes avant de rentrer dans la salle d’op (toujours la même foutue salle d’op !!) que seuls 2 embryons sont en vie. Si on veut refaire un transfert, il faudra refaire une ponction. Sur mon papier de la mutuelle, les cases se remplissent. 6 ponctions sont remboursées en tout et pour tout. Pas plus. De nouveau, on parle stratégie. Là je craque et c’est les gros sanglots. Je vais dans la salle d’op à pied en pleurant en tenant ma blouse d’hôpital d’une main pour cacher mes fesses nues dans le couloir où d’autres couples attendent. Je me sens pitoyable. J’ai pleuré pendant l’intervention…

Ils ne se sont pas accrochés.

Plus tard, en consultation j’explique à la gynécologue référante, andrologue et professeure à quel point la 2ème ponction s’est mal passée. Je dis que j’ai eu l’impression d’être une vache sur un étal de boucher. Elle est choquée et porte la main à sa poitrine avec un sourire mais plutôt de dégout : « Uneuh vacheuh ??? ». Elle n’est pas choquée que j’aie vécu 2 fois un enfer, elle est choquée parce que je parle de vache dans son cabinet de gynécologie/andrologie. Sans transition, elle me propose d’emblée de programmer un nouveau cycle de stimulation et ponction. Je rentre chez moi toute déboussolée, je ne sais pas quoi faire.

Et puis on dit stop …

Nous expliquons notre vécu à notre médecin traitant et à notre thérapeute « Mais, pourquoi ne pas aller ailleurs ? » et nous avons un déclic. De toute façon, mon compagnon refuse de me voir à nouveau subir la même chose. Nous choisissons de changer de centre de PMA. Je réussi à obtenir notre dossier pour le faire passer dans le nouvel hôpital à Liège, une amie en PMA là-bas me dit qu’ils sont bien, humains, sympa. Liège est ma ville de coeur… Alors on y va ! J’ai de la chance, la récupération du dossier se fait facilement. J’apprends que ce n’est pas toujours le cas, surtout venant de l’hôpital que nous quittons … Confidentialité sur des recherches jalousement protégées, des méthodes brevetées,… ?? Et pourtant, il s’agit de mon corps, de nos gamètes, de notre profonde intimité. A aucun moment, lorsque nous avons demandé notre dossier pour changer de centre de PMA, il ne nous a été demandé les raisons de notre « départ ». Aucun questionnaire qualité de nous a été proposé (et pourtant je sais que cet hôpital se vente de le faire remplir de manière systématique), aucun entretien, pas un commentaire. Rien.

Dans le nouveau centre de PMA, nous sommes reçus assez rapidement. Plus question de nous faire mariner, « d’essayer pour voir », etc. En 6 mois, nous faisons 4 ponctions et 2 transferts. Leur système en cycle naturel permet de réaliser 3 ponctions sans stimulation en utilisant une seule case du papier de la mutuelle. On multiplie des chances ! Avant de commencer, j’ai écrit notre vécu à notre gynéco et elle nous a pris en charge en tenant compte de notre grand besoin d’humanité et de respect. Les ponctions ne sont pas agréables, mais jamais je n’ai eu à revivre ce que j’ai vécu dans l’autre centre…

A l’heure actuelle, aucun de nos essais n’a porté ses fruits. Mais nous sommes soulagés d’avoir trouvé des médecins respectueux, à l’écoute, travaillant dans une équipe à taille humaine avec compassion et empathie… Comment peut-il y avoir de telles différences de traitement d’un centre PMA à un autre ??? Pourquoi cela arrive ????

Des amis nous ont suggéré de porter plainte contre le service de Bruxelles… Mais avec quelle énergie, quel argent, quelle légitimité pouvons-nous attaquer en justice un grand établissement hospitalier et des professeures d’université reconnues ?

Dans le centre de PMA de Liège, il nous a été proposé que mon compagnon prenne des vitamines adaptées et qu’il soit accompagné pour arrêter de fumer. L’arrêt du tabac n’est pas encore fait… Mais la prise de ces vitamines a eu pour résultats d’avoir un meilleur taux de fécondation en labo et des embryons plus « costaux »… Donc plus de chance d’avoir une meilleure « rentabilité » des ponctions d’ovocytes. Interrogation sur le fait que cela ne nous ai pas été prescrit d’office !? …

J’ai remarqué aussi que, ici, le transfert des embryons (moment où ils sont déposés dans mon ventre) se fait dans une ambiance détendue et bon enfant. De plus, comme j’ai un utérus rétroversé, le dépôt de cette petite bulle nécessite une assistance échographique et une sonde particulière plus longue. Une fois le transfert réalisé, l’équipe vérifie que la bulle est placée au meilleur endroit possible et je reçois une impression de l’échographie. Tout cela est fait avec soin, en prenant le temps. A Bruxelles, rien concernant la rétroversion, transfert en quelques minutes. Cela me pose question également sur les chances de réussite.

Janvier 2020

En décembre 2019, nous avons encore un embryon au frais. Lors d’un contrôle, j’accepte que nous organisions son transfert en janvier 2020 (cela tomberait bien, vu que l’hôpital va déménager en février 2020!).

La gynéco qui nous suit me prescrit un examen afin de contrôler si tout est bien « propre ». J’ai donc rendez-vous avec un spécialiste que je n’ai jamais vu quelques semaines plus tard.

Me pensant bien armée « au cas ou », je me rend à ce rendez-vous déterminée à ce que tout se passe bien et que dans le cas contraire, je le fasse savoir !

A peine assise en face de ce Monsieur, je me sens toute petite et nulle. Je bafouille. Une jeune fille est présente, il me dit qu’elle va assister à l’examen. Je n’ose rien dire. Je m’installe sur la table, pieds dans les étriers. Le spécialiste parle avec la jeune fille comme si je n’étais pas là. Il insère un spéculum très froid et je sursaute « Ohlalaaa ! Mais faut se détresser, Madame !! ». Je dis oui, ok, je m’excuse. « Maintenant, Madame va ressentir un léger pincement, comme pendant les règles ». Faux. C’est bien pire. Et pourtant j’ai des règles douloureuses, je sais de quoi je parle ! Je n’ose pas le dire, ferme les yeux, respire calmement, attend que ça passe.

Je me rhabille, ils parlent entre eux. Il me dit que tout est parfait et que je suis bonne au service mais que vraiment, il faut que je me détresse parce que cela n’aide pas ! Et je retrouve ce sentiment… Douillette et peureuse, chiante, emmerdeuse, idiote. Je sors de cette consultation toute retournée et la colère ne monte qu’une fois dans la voiture. Mais c’est trop tard !

Le jour du transfert, je suis accompagnée d’une amie. Mon compagnon n’a pas pu se libéré à son travail. Le médecin qui manœuvre a réalisé toutes mes ponctions à Liège, m’a déjà reçue en consultation et vu mon compagnon. Il pense cependant que nous sommes en couple mon amie et moi et nous souhaite bonne chance. On a quand même rit…

Ce petit embryon de 5 jours, congelé pendant 1 an ne s’est pas accroché.

Petite parenthèse dans ma propre expérience : Ce médecin, avec qui j’ai eu des expériences positives et qui est un virtuose de la ponction d’ovocyte a refusé à une patiente avec qui j’ai discuté, alors qu’elle venait pour une insémination, de faire un certificat médical afin qu’elle puisse renter chez elle après l’intervention. Il lui a expliqué qu’il refusait de faire des « certificats de complaisance ». Elle a donc du repartir à son travail en bus et en train… Une autre gynéco du service PMA lui a dit qu’elle était bien trop grosse pour espérer que cela fonctionne, qu’elle devait se mettre au régime pour maigrir sinon ils ne continueraient pas. Quelques semaines plus tard, elle était enceinte par insémination et elle a maintenant un très beau petit garçon en parfaite santé… Alors que pour moi, les conditions était plutôt bonne dans ce centre de PMA-ci, j’ai réalisé qu’il n’y a jamais aucune certitude sur la façon dont nous serons reçu.e.s, perçu.e.s et traité.e.s, quel que soit l’endroit !

En novembre 2020, sur les conseils d’une thérapeute ayant connu des symptômes similaires aux miens, je vais consulter un spécialiste de la thyroïde. Après des tests poussés sur moi et ensuite mon compagnon, il s’avère que nous souffrons tout les deux d’hypothyroïdie. L’un des symptômes les plus connu de cette pathologie est l’infertilité. Cette analyse n’a jamais été évoquée lors de nos rendez-vous en PMA. Sans traitement, nos chances de grossesse très compromises. Il faut encaisser la nouvelle et compter environ 1 an pour que le corps soit stabilisé et commence à fonctionner normalement. j’ai du mal à encaisser cette nouvelle. J’ai un sentiment d’avoir « gaspillé » nos chances et vécu cela pour rien. Je suis en colère contre ces spécialistes, j’ai l’impression d’avoir juste servi de cobaye.

Avril 2021, nos horloges biologiques ont sonné depuis bien longtemps mais nos projets de parentalité sont perdus entre nos espoirs déçus, l’épuisement, notre couple soumis à rude épreuve et la pandémie.

Dommages collatéraux

Je tiens aussi à témoigner sur les « dommages collatéraux » de la PMA et de l’infertilité. Ceux-ci pourraient faire l’objet d’un témoignage à eux tout seuls mais ici, je souhaite juste donner un contexte. A côté du vécu dans les soins médicaux, il y a aussi le vécu « périphérique ». Au boulot, à la maison, avec les amis et la famille.

Le collègue qui ne comprend pas et qui s’agace : « Pour faire un bébé il suffit de baiser ! Il le sait ton mec ?».

Dans la famille et pour certains amis, ce que nous vivons est un peu mystérieux. Parfois on ne comprend pas pourquoi « je me met dans des états pareils ».

Nous saturons d’entendre toutes les théories bien pensantes des gens fertiles et autres bien pensants:

« Le jour où vous arrêterez d’y penser, cela ira tout seul » (SURTOUT ne pas oublier de penser à ne pas y penser !);

« Moi, je connais des gens qui sont partis en vacances, … » ;

« Il y a un lac en Roumaine, les femmes qui s’y baignent tombent enceinte plus facilement » ;

« Mais… Vous ne devriez pas commencer à penser à l’adoption ? » ;

« Vous avez déjà essayé de le faire naturellement ? » ;

« J’ai vu une émission à la télé sur les dons de sperme, j’ai pensé à vous » ;

« Si ce bébé ne vient pas, il y a peut-être une bonne raison, peut-être que c’est parce que vous n’êtes pas fait pour être ensemble, il n’y a pas de hasard » ;

« Je connais un monsieur qui fait des miracles. Il a donné des plantes à une dame, elle est tombé enceinte juste après ! » ;

« Je connais plein de couple qui ont eu beaucoup de mal a avoir leur premier enfant, cela a parfois pris des années, mais pour le 2ème, ça a été tout seul ! Tu verras ! » ;

« Il y a plein de femmes qui tombent enceinte après avoir démarré une procédure d’adoption 😉 » ;

« La belle-sœur de la cousine de mon voisin » , … blablabla …

Notre intimité est un sujet dont on parle, qui s’expose. Tout le monde a son truc et un avis sur la chose. C’est sûr, nous ne faisons pas ce qu’il faut, ou en tout cas pas assez. Quelle culpabilité !

Les potes serviables qui disent  « Mais moi je vais le lui faire, j’ai pas de problème avec ça », les mécontentements en cas d’absence au boulot pour un rendez-vous dont on ne peut choisir ni l’heure ni le jour puisqu’il dépend d’un cycle imposé par la nature/les traitements hormonaux lourds.

Les larmes qu’il faut ravaler devant les clients, les collègues, les amis, au supermarché, dans la rue. La fatigue, la douleur physique, les changements corporels. Les annonces de grossesse, les naissances, les films, les livres, …

Le vécu et la souffrance de l’homme qui passe totalement à la trappe aux yeux de tous et beaucoup de solitude pour chacun.

Cette solitude, elle est très présente dans le parcours vers la parentalité.

Ma première expérience en matière de « solitude gynécologique » était en début 2016, lorsque j’ai fais une fausse couche dite « naturelle » et sans être passée par la case PMA. Après le constat à l’échographie, je suis restée chez moi à attendre que l’embryon « parte tout seul ». Autrement dit, qu’il soit jeté à la poubelle avec ma serviette hygiénique ou qu’il parte dans les toilettes avec la chasse. Dans mon cas, il a fallut faire un curetage. Celui-ci est parfois fait plusieurs jours après la constatation de la fausse couche par un médecin. Il faut donc vivre, continuer sa vie avec son futur bébé mort dans son ventre avant qu’il ne soit aspiré et détruit. J’ai bien conscience qu’il n’y a pas une foultitude de manière de clôturer les choses mais tout cela se passe dans le silence de nos maisons, on est seul.e.s pour vivre tout cela. Je tiens à souligner que dans mon cas, la partie intervention médicale de cette fausse couche et ce curetage se sont bien passés. Mais je regrette beaucoup qu’il ne soit pas, à minima, systématiquement proposé un accompagnement psychologique pour chacun des parents, même si cela arrive tôt dans la grossesse. On nous a dit que la nature est bien faite et que si c’est arrivé c’est qu’il y avait une bonne raison. C’est une vraie claque. Un deuil de projets et d’amour, un déchirement.

Il aussi y a la solitude pendant et après les plus ou moins 12 jours d’attente interminable post-insémination ou transfert d’embryon.s. Ces jours sont si long, si stressants. On vit dans l’angoisse de chaque symptôme, on culpabilise pour un oui ou pour un non. La nourriture, le sport, la consommation ou non d’alcool, dois-je rester plus couchée ? Est-ce que je m’autorise cette sortie ? On compte les jours, les nuits, les heures, … Le dernier jour on a presque envie de ne pas savoir. Parce qu’au moins dans le doute il reste encore de l’espoir ! Puis une infirmière pleine de douceur nous téléphone pour nous dire « Je n’ai pas de bonne nouvelle à vous annoncer », « Désolée mais ça n’a pas fonctionné ». Pas de grossesse. On raccroche. Et voilà. C’est fini. « Le souper est prêt ? », « As-tu sorti les poubelles ? », « Ton client Machin a appelé, c’est urgent », « Quoi ? Tu n’as toujours pas fini ce dossier ??? « . On essaie de votre normalement mais la concentration est difficile, on a la peur au ventre.

Tenir sur la longueur

Dans le cas d’une insémination, cela fait un peu le même effet que quand on essaie de procréer de manière naturelle (oui, on a essayé aussi !). Pas de fécondation, on pleure un bon coup, on passe le cap et on se concentre sur le cycle suivant. Dans le cas d’une fécondation in vitro, c’est bien autre chose ! Pendant 1 mois on est au taquet. L’espoir nous donne du courage et de l’énergie dans les premières semaines du cycle et tout s’enchaîne : les règles puis les allers-retours à l’hôpital pour les échographies et les prises de sang. On endure avec espoir la dizaine de jours d’injections dans le ventre, la douleur. La ponction, la douleur encore. Puis l’attente pour savoir s’il y a bien eu fécondation et développement en labo et puis si on a de la chance après quelques jours… Notre gynéco dépose dans notre ventre cette précieuse petite bulle minuscule dans laquelle il y a notre promesse d’amour qui est bien vivante et qui s’est développée en laboratoire. Et puis cette attente interminable, avant que la « mère potentielle » reçoive l’appel environ 12 jours plus tard… Gorge serrée, jambes qui tremblent et puis verdict. On raccroche, on encaisse. On est seule à la maison ou au travail. Et on attend que les règles arrivent pour évacuer cette petite bulle morte qui ne sera jamais notre bébé. On se demande si on recommence tout de suite ou si on prend le temps de s’en remettre… Pour bien des femmes que je connais qui sont passées par là, cela se vit comme une fausse couche. Il y a eu la vie et elle n’est plus là … Et la culpabilité nous reprend. On se dit « J’aurais du plus me reposer », « Je n’aurais pas du boire ceci ou manger cela », « Pourquoi ? », « Comment faire ? », « Et si cela ne fonctionnais jamais, finalement ??? », etc.

Au milieu de tout cela, j’ai fini par faire un burn out et j’ai quitté mon emploi « pour raison impérieuses ». J’ai été assez bien soutenue par la médecine du travail et ma mutuelle… Je réfléchi juste à peut-être envoyer ce témoignage au médecin conseil de la mutuelle qui m’a dit que la FIV, c’est « tout au plus une semaine d’inconfort par mois »…

Même quand cela se passe « bien », ce sont des moments violents dont il est difficile de parler, avec les amis proches ou la famille et même en couple ! De plus, ils n’ont jamais été évoqués avec moi/nous lors qu’une consultation médicale en PMA. Pas une seule fois. Pour nous, sans accompagnement psychologique, on serait en pleine décompensation. Je connais des personnes qui sont en PMA sans suivi psychologique, en roue libre. Ils ne savaient même pas que cela existe alors qu’ils ont perdu des jumeaux à 12 semaines de grossesse ! « C’est tôt, c’était pas de vrais bébés »… ? Comment oser dire cela à des parents qui ont entendu battre 2 petits coeurs lors de la précédente échographie ?

Déjà sans violence gynécologique, cela fait des dégâts énormes dont personne dans notre société n’a envie d’entendre parler… Et pourtant… L’infertilité humaine augmente d’années en années. Elle fait partie intégrante du déclin de la biodiversité. Je n’ai toujours pas vu un seul article dans lequel l’humain est intégré très clairement dans les espèces vivantes en voie de disparition par la voie «directe » de la reproduction… Alors qu’en à peine 40 ans, le taux de spermatozoïdes à diminué de moitié dans le monde*, on continue à lire principalement des articles expliquant que c’est avant tout dans la tête que cela se passe.

Vous souhaitez connaître d’autres témoignages concernant les violences gynécologiques et obstétriciales ?  C’est par ici  :

les courageux témoignages du vécu de femmes dénonçant les violences gynécologiques et obstétriciales en Belgique.

 

 

 

 

 

 

 

 

*A lire : « Un bébé si je peux », Marie Dubois, Éditions Massot, Revue XXI, 2021.