Madame la Présidente, Chères et chers collègues,

En avril 2021, voilà presque 3 ans, à l’initiative des écologistes nous avons donné dans cet hémicycle le coup d’envoi d’un travail d’ampleur inédite au sujet de la lutte contre les violences gynécologiques et pour l’auto-détermination des femmes. Nous appuyant sur la résolution 2306 du Conseil de l’Europe relative aux violences gynécologiques et obstétricales de 2019, qui appelle les États membres à adopter des mesures, nous avons depuis travaillé à
examiner quelles mesures pourraient être mises en œuvre pour promouvoir une culture de bienveillance gynécologique et obstétricale, et en instaurer le cadre.

Tout douloureux à entendre que soit ce mot ‘violence’ pour les soignantes et les soignants, cette expression existe, est utilisée par les femmes, et dans les textes internationaux. Nous avons fait le choix de l’utiliser également.

Est-ce que respecter les corps et les choix des femmes dans les soins gynécologiques est une évidence ? En théorie, oui bien sûr, c’est une question de déontologie médicale.
Malheureusement, dans la pratique, ce n’est pas toujours le cas. Pas toujours, pas tous le temps, pas partout, pas pour toutes les femmes.

De très nombreuses personnes témoignent de ces violences, qui ont en commun de survenir dans des moments d’intimité et de plus grande vulnérabilité… et qui, j’en suis convaincue, ne relèvent pas forcément de situations d’urgence médicale.

Que dit le projet de rapport d’information ? Je vous en lis le 2eme paragraphe, très bref.
« Le concept de violences gynécologiques et obstétricales couvre une vaste réalité dont les contours sont difficiles à cerner. Il s’agit d’un ensemble de comportements inappropriés en matière de soins gynécologiques et reproductifs au sens large.
(…) On peut citer le manque d’humanité à l’égard de la patiente et divers ressentis auxquels elle peut être confrontée. La patiente ayant le sentiment de ne pas être suffisamment informée, de ne pas pouvoir aborder facilement les problèmes qu’elle rencontre ou encore d’être trop peu écoutée. »

Cela en fait donc un phénomène complexe à étudier : Les VGO prennent des formes variées et elles concernent toutes les femmes tout au long de leur vie ; que ce soit pour ce qui concerne les conseils ou les soins autour des menstruations, la contraception, l’iVG, le parcours PMA, l’accouchement, la ménopause… En travaillant sur ce dossier, je m’en suis bien rendue compte : chaque femme a quelque chose à dire. Ecoutons-les.

Il s’agit tout autant d’écouter les soignant·e·s, qui témoignent de leur difficulté à soigner avec bientraitance, dans un système de santé qui produit lui-même trop de maltraitances,

et qui portent parfois eux-mêmes des traumatismes,
des soignant.e.s qui rapportent de la haute technicide leur profession et parfois de l’urgence imposée par leur discipline, des soignant.e.s qui avouent les limites de leur formation,
qui réclament des moyens, du temps, du travail interdisciplinaire, de la reconnaissance.
Dans ces conditions, oui, on peut parler de violences structurelles, institutionnelles, systémiques.

Au Sénat, avec ce rapport d’information, je pense pouvoir dire que nous avons pleinement joué notre rôle de Chambre de réflexion, n’en déplaise à celles et ceux qui en faisaient un non-sujet politique : nous avons entendu les multiples points de vue, les concordances mais aussi les discordances ou les divergences. Et nous réaffirmons le droit à l’auto-détermination des femmes.

À partir d’octobre 2021, des experts (plus de 30) ont été conviés à des auditions : sage-femmes, gynécologues, psychologues, généralistes, associations , services de médiation, enseignant.e.s, chercheurs, juriste et avocates,… La liste complète ainsi que toutes leurs interventions, comme toutes les pièces du dossier sont en ligne sur le site du Sénat.
Ces auditions ont été particulièrement suivies sur la chaine Youtube du Sénat, preuve s’il en faut de l’intérêt porté à ces enjeux dans la société.

Parallèlement aux auditions, le comité d’avis a sollicité des contributions écrites portant sur différents volets du rapport d’information (la formation initiale et continue, les questions juridiques, les aspects pyscho-sociaux) . Ces treize avis écrits rédigés par les acteurs académiques, institutionnels et associatifs ont enrichi encore nos réflexions.

Après le renvoi par la séance plénière que nous avons connu le 23 juin 2023 dernier , le comité d’avis pour l’Égalité des chances entre les femmes et les hommes a réexaminé le texte du rapport d’information lors de ses réunions du 4 décembre 2023 et du 15 janvier 2024.

Deux saisons entières se sont écoulées. Deux saisons qui ont aussi permis aux collègues qui n’avaient pas eu l’occasion de suivre d’aussi près les travaux du comité d’avis de s’y pencher plus longuement. Les trente-trois amendements approuvé le 15 janvier dernier à l’unanimité des 12 sénatrices et sénateurs présent améliorent le projet de rapport par des reformulations qui précisent, corrigent des statistiques ou apportent de la nuance. Certains amendements techniques de type orthographique ont également été votés.

Le texte ne plaira peut-être pas davantage à ses détracteurs. Il était ambitieux et l’est encore aujourd’hui. Il est amélioré et surtout attendu.  Il synthétise les enseignements des 250 pages d’auditions en une cinquantaine de pages, et 93 recommandations adressées au monde politique, au monde médical, à la société dans son ensemble.

Contrairement à d’autres violences, économiques, intra-familiales, sexuelles, les violences gynécologiques et obstétricales sont encore peu reconnues, voir taboues, peu mesurées, peu prises en compte dans les politiques publiques. Le Sénat recommande de reconnaître ces violences comme un problème subséquent à de nombreuses causes (culturelles, sociétales, socio-économiques, matérielles, individuelles ou institutionnelles) et comme une forme de violence liées au genre, de les définir, de les documenter.
Le Sénat recommande de :
Récolter des données, d’accroître la transparence
Informer et veiller au respect de la loi droits du patients
Améliorer les voies de recours et de dépôt de plaintes

Faire évoluer les pratiques de soins
Renforcer le rôle central des sage-femmes
Lutter contre la discrimination et soutenir les groupes vulnérables
Adapter les formations

Que toutes celles et ceux qui ont contribué à ce rapport d’information soient chaleureusement remerciées : les personnes auditionnées bien sûr, mais aussi mes collègues en charge du rapport, les membres du comité d’avis ainsi que Mesdames Van Hee et Randhaxe ; et nos collaboratrices et collaborateurs.

Aux personnes, associations, centres de planning qui portent ces combat sans relâche depuis des années, aux équipes médicales que j’ai rencontré sur le terrain et qui se débattent avec des contraintes logistiques ou économiques injustes et épuisantes, à toutes celles et ceux qui se remettent déjà en question et travaillent à plus de bientraitance dans les soins gynécologiques, je voudrais dire ceci : Au Sénat, votre parole a compté. Ces 93 recommandations sont là grâce à vous.

Aux politiques, je voudrais dire ceci : Il faut poursuivre ! Ce rapport est une étape et nous insistons explicitement sur la nécessité d’une collaboration entre tous les niveaux de pouvoir ( fédéral, régional et communautaire).

Que ce soit pour nos autres parlements, pour nos gouvernements, et au final aussi pour d’autres États, notamment Européens qui souhaiteraient s’appuyer, comme nous l’avons fait, sur la résolution adoptée au Conseil de l’Europe de 2019 pour faire avancer politiquement cette question ; puisse ce rapport d’information être une source dinspiration et de changement.